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Histoire : Le marchand de peaux de lapins

C’était l’après guerre, (1945) dans nos villages encore ruraux, tout le monde cultivait un lopin de terre, on élevait aussi beaucoup de lapins et naturellement on en mangeait beaucoup, au moins une fois la semaine. Si quelqu'un arrivait à l'improviste, vite on tuait un lapin, il était cuit à l'heure du déjeuner, au sang et au vin, presque toujours accompagné de pommes de terre. Le clapier, c'était un peu l'armoire frigorifique de nos jours, et puis le lapin coûtait peu à nourrir et demandait peu de soins. Les races étaient rustiques et la myxomatose inconnue. (Malheureusement pas pour longtemps, l’épidémie commença « en 1953/54 » à décimer les
lapins de garennes).

Bien sûr, on escomptait aussi l'avantage que procuraient les peaux. On les retournait, toute-chaudes, puis on les bourrait de paille pour qu'elles ne rétrécissent pas, puis on les pendait à des clous dans la grange, parfois le long du mur de la maison pour qu'elles sèchent. Cette abondance de peaux entretenait des ramasseurs qui passaient régulièrement, dans les villages.

À Gretz Armainvilliers, Il y avait un auvergnat brocanteur : monsieur J. Gardel. Il passait en tournée à Ozoir tous les premiers mardis du mois, avertissant les gens de sa présence en chantant « peaux d’lapins ! Peaux », en traînant fortement sur la dernière syllabe, suivie d’un grand coup de trompette. Il ramassait aussi les chiffons qui étaient rares et récupérait la veille ferraille.

C’était un joyeux luron, il savait raconter des histoires toujours très polies, qui préludaient à l’instant où il devait fixer son prix, car il savait que le propriétaire des peaux en demanderait toujours plus que ce qu'il avait l'intention de lui accorder, et l'on finissait bien par s'entendre, chacun ayant fait la moitié du chemin. Pourtant les peaux étaient payées selon la couleur du poil, leur taille*. Les peaux de lapins blancs, dits russes, étaient les plus recherchées et les plus chères. La saison qui fait le poil dense l'hiver, et plus clair l'été après la mue, influençait aussi les prix.

Toujours très matinal, dès les premières maisons, il descendait de son cabriolet tiré par son vieux cheval, et parcourait à pieds les nombreuses rues du village et des lotissements, en s’arrêtant dans les dix sept cafés et restaurants, dans les fermes, et châteaux.

Vers cinq heures du soir, la tournée terminée, c’est bien souvent que le cheval reconduisait, seul à l’écurie son maître qui ronflait, étalé au milieu des peaux de lapins !
Les animaux ont vraiment un sixième sens ! Son vieux cheval n’avait pas besoin de G.P.S, il connaissait la route par cœur … « et n’était pas soumis à l’alcootest… »
Il faut rendre hommage à ces marchands qui faisaient bien une quarantaine de kilomètres par jour pour gagner petitement leur vie.
Mais tous étaient d’esprit indépendant et ils professaient « qu'un petit chez soi, vaut mieux qu'un grand chez les autres! »
Et puis je n’ai pas souvenance qu’un ferrailleur, fasse faillite !

Souvenirs, souvenirs !

Jean-Claude Jaillard (1988).

«*de trente à cent francs la pièce ? »,

 

 

Pour information la photo n'est pas d'Ozoir, elle n'a pour unique but que d'illustrer le texte.

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